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30 novembre 2013

Un voyage dans le temps

 

 

Pour quelques jours encore passe en salle Heimat, une merveille dans tous les sens du terme. Heimat nous plonge dans le monde paysan du milieu du XIXème siècle en Allemagne, monde qui fut à peu de choses près celui du plus grand nombre des hommes depuis des millénaires. Dans ce monde là, on ne choisissait pas grand chose : on vivait et mourait là où on était né, on épousait le métier de son père, l'homme ou la femme que la proximité nous désignait. On ne savait du monde que l'environnement immédiat, de sa vie on n'allait pas plus loin que quelques kilomètres autour du lieu où on habitait. Tout les objets qui nous entouraient nous étaient familiers, simples, fabriqués de nos mains, inusables. Le paysan savait tout faire : construire sa maison, élever et soigner les bêtes, produire ce qu'il mangeait. De toute sa vie on ne rencontrait que des gens que l'on connaissait depuis toujours, à l' exception de certains qui procuraient émerveillement et peur mélangés : des saltimbanques, des colporteurs, des soldats qui parlaient d'un monde inouï, qui transportaient avec eux des rêves propres à enflammer les jeunes imaginations. Les jours de fête rythmaient les saisons. Ces jours là on se régalait de confitures, de vin, de musique simple et sauvage. On dansait en tapant bruyamment des sabots sur le sol et l'amour venait s'emparer des jeunes hommes et femmes sans qu'ils ne comprennent. L'instinct les emportait dans son élan irrépressible, la stupefaction masquait le plaisir, la joie était perdue devant le sentiment de ce qu'on vivait là et qui conditionnerait tout ce qui allait suivre.

En ce temps là on était dominé par le climat et les forces de la nature mais aussi par le prêtre et le seigneur du lieu. En ce temps là on entrevoyait aussi que la vie pouvait être différente. Certains se mettaient à lire, on avait appris qu'un ailleurs existait qui s'appelait l'Amérique où une autre vie était possible, les armées napoléoniennes avaient traversé le pays, laissant au passage un mot au cri duquel les plus courageux ou les plus inconscients allaient laisser exploser leur révolte devant la fatalité : LIBERTE. Dans le fauteuil de la salle obscure, on a la gorge nouée d'entendre que c'est en français que ces paysans incultes se dressent contre la tyrannie et mettent en place la marche du progrès.

En sortant de la salle, j'ai ressenti un sentiment tout à fait extraordinaire : le bruit de la ville, son odeur, l'agitation, les voitures, les lumières, tout cela m'est apparu étranger. J'ai éprouvé que je venais de passer deux heures dans un monde où l'on était en contact direct avec l'essence de la vie et de la mort. J'avais un sentiment de perte. De gâchis, de salissure.

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