Parler de moi
A part quelques personnes qui me sont très proches, je ne sais pas trop qui lit ce blog. Mais si j' ai décidé de le créer, c'est qu' un besoin de communiquer s' est emparé de moi. Car depuis quelques semaines je suis en guerre. Au fond de moi, certains globules blancs sont devenus fous et se sont mis à tuer tout ce qui passe à leur portée, leurs anciens compagnons chargés de me défendre contre les agressions extérieures et les bons ouvriers (tous des rouges, et oui) qui acheminent le carburant qui me maintient en vie. Ce sont des terroristes, des petits Mehra, des petits Tzernaev partis en guerre contre le monde qui les héberge, c'est à dire moi. Par deux fois déjà ils ont livré bataille. Ils s' appelaient alors Waldenström. Par deux fois ils ont été vaincus. Mais ils n' avaient pas renoncé. Tapis dans l' ombre ils préparaient depuis deux ans leur revanche. Après avoir muté, ils sont de retour. Ils se nomment désormais Lymphome B Diffus.
Cette guerre est une sale guerre, elle ne reconnait pas les accords de Genève et se livre au moyen d' armes de destruction massive. Toutes les trois semaines j' ai rendez vous avec mes généraux qui injectent sur le champ de bataille des poisons chargés de détruire l'ennemi, mais qui ne font pas de différence entre les protagonistes. Faute de moyens de visée suffisamment précis, les dégats collatéraux sont la règle. On détruit tout les combattants en espérant venir à bout des ennemis avant d' avoir fait trop de dégats dans nos propres troupes. Il faut jouer finement. Les armes de destruction massive ont cet inconvénient qu' elles peuvent aussi entraîner la perte de ceux qui les utilisent.
Mes généraux m' ont affirmé qu' ils ne doutent pas de la victoire finale. Je leur fait confiance. Ma seule inquiétude concerne le changement de vie qu' entraîne cet épisode. Les renoncements, la faiblesse. Se sentir sans force, épuisé, se demander si on va pouvoir se lever le lendemain, avoir l' angoisse de contracter une infection qu' on ne pourra pas combattre. Et puis des fois, aller mieux sans trop savoir pourquoi ni si ça va durer. J' ai dû arréter l' escalade, puis le vélo en ville, puis depuis peu le saxo.
Cependant j' ai la sensation de vivre une expérience sérieuse. De celles qui vous engagent tout entier. Une aventure dans un monde inconnu qui m' oblige à prendre le temps qui passe au sérieux. Pour moi chaque jour qui passe doit être non un jour qui me rapproche de la fin, mais un jour de vie supplémentaire. Garder l' envie de rester en prise avec le monde, de s' y sentir impliqué, de s' en sentir solidaire. Je vais approfondir ça, et aprés la bataille, je suis certain que je ne saurai rien de plus sur la mort, mais beaucoup plus sur la vie.