Pied au plancher dans le mur

     L’intérêt de chaque individu ne coïncide pas avec celui de tous ceux qui l’entourent, et c’est pour ça qu’il y a des lois. L’intérêt de chaque région ne coïncide pas avec celui du pays auquel elle appartient et c’est pour ça qu’il y a des états. L’intérêt de chaque pays ne coïncide pas avec celui de la planète et c’est pour ça qu’il y a…du souci à se faire. A tous les niveaux, l’intérêt à court terme ne coïncide pas avec l’intérêt à long terme, et c’est pour ça que l’humanité va dans le mur.
     Intéressant ce qui se passe actuellement chez nos amis bretons. Une loi intelligente avait été décidée à l’unanimité des deux assemblées, qui avait pour objectif de taxer les transports routiers et de consacrer l’argent récolté à l’amélioration de modes de transport moins polluants tels que les rail et les canaux. Son application aurait rendu non rentable que les porcs élevés en Bretagne aillent se faire abattre en Allemagne, non rentable l’approvisionnement des marchés en fruits et légumes venus d’Italie, d’Espagne ou du Maroc. Quelques années d’adaptation auraient amené un bénéfice incontestable à l’économie de la région et un grand progrès au plan écologique.
     Mais les patrons ont dit qu’on allait les pousser à mettre la clef sur la porte, les syndicats on dit qu’on laisserait pas faire ça, et la Bretagne s’est enflammée. Et le gouvernement a dit houla, calmez vous, si c’est comme ça, on fait rien, on annule tout! Et tout le monde a dit: Hollande, quel mou, quelle lavette, quel amateur!
     Le gouvernement avait en fait le choix entre une crise majeure qui aurait bloqué durablement l’économie de toute une région, qui risquait vu le contexte de s’étendre au pays entier et de déboucher sur une crise politique dangereuse, et le retrait de la loi en question.
Le problème n’est pas la pusillanimité de nos gouvernants. Quel autre parti aurait fait mieux dans ces circonstances? Le problème de notre pays et de tous les autres est qu’un gouvernement qui voudrait prendre les mesures nécessaires exploserait en vol et même ne serait tout simplement pas élu. Les hommes sont ainsi. Plus ces mesures seront prises tard, plus elles seront douloureuses et plus elles se heurteront à la colère des peuples et à l’opposition des lobbies, plus les crises qu’elles déclencheront seront violentes. La compétition a depuis toujours été le mode de fonctionnement des hommes. Elle n’est compatible ni avec la démocratie ni avec notre survie.