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28 septembre 2013

On voit ce qu'on croit

 

"Rien de plus fragile que la capacité humaine d'admettre la réalité" dit le philosophe Clément Rosset (Le réel et son double). Nous sommes invités à vivre sans penser au pire, et face à l'indésirable, à l'insupportable, à l'insurmontable, un arrêt de perception met notre conscience à l'abri, et substitue au réel un double plus acceptable. Il est vraisemblable que notre cerveau n'a pas été conçu pour s'embarrasser de la perception des problèmes pour lesquels nous n'avons aucune solution à apporter. La psychiatrie nous apprend que la vision de la mort (la vraie) produit un tel choc que le cerveau en ressort gravement endommagé (stress post traumatique, largement étudié par la médecine de guerre).

Cette tendance à prendre ses désirs pour des réalités va beaucoup plus loin qu'on ne le croit et affecte profondément notre histoire. Cela explique la force et la persistance des religions et des superstitions qui,au mépris de toute vraisemblance, nous offrent une représentation du monde conforme à nos aspirations, fondé sur l'amour du Créateur, finissant par l'établissement de la Justice universelle et sur une vie éternelle extatique.

En d'autres termes, nous conformons ce que nous considérons comme vrai à ce que nous voudrions (ou ce qui nous arrangerait) qui soit et nous agissons en conséquence. C'est pourquoi les idées les plus invraisemblables trouvent des avocats acharnés et talentueux. Les marchands de cigarettes qui voudraient que le monde fume de plus en plus, les marchands de voitures et d'essence qui voudraient qu'on pollue sans retenue, les exemples sont innombrables, tous ces gens là, à force de ne voir que leur intérêt, se persuadent eux même avant de savoir persuader les autres. Et leur conscience est tranquille. Pas la moindre contrition.

Au delà, revenons à ce que signifie croire. Tout notre commerce avec le monde passe par la croyance. Le savoir dépend de la croyance, de ce en quoi on croit. Certains ne croient pas leurs yeux, il croient ce que dit le curé, l'imam ou le gourou. Certains ne croient pas leur raison, ce qu'elle leur dit est trop cruel. Ils en viennent à croire que croire comme eux, c'est être comme eux, avoir les mêmes désirs, les mêmes peurs, les mêmes valeurs. Si on ne voit pas les mêmes choses, alors c'est qu'on est un autre, un étranger, un adversaire, un rival. Le bon sens nous dicterait que croire est indépendant de vouloir. Si je crois qu'il va pleuvoir, je ne vais pas assassiner celui qui croit qu'il va faire beau. Il n'y a aucune raison pour que des gens qui s'aiment bien croient la même chose.

Si on apprenait à regarder la réalité en face, à croire ce qu'on voit, il y aurait beaucoup moins de violence dans le monde et nous serions bien mieux armés pour résister au désastre.

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